Présentation de Gary Lacasse au Comité permanent de la santé de la Chambre des Communes

En 2016, la Société canadienne du sang a annoncé une réduction de la période d’exclusion de cinq années à une s’appliquant au don de sang par les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres  hommes (HARSAH). Dans cette présentation au comité de la Chambre des Communes Gary Lacasse, directeur-général de la Société canadienne du sida, fait valoir qu’une politique de critères d’admissibilité au don de sang devrait être fondée sur les comportements plutôt que cibler des populations en raison de leur orientation sexuelle ou de leur sexe.

Présentation:

Bonjour, monsieur le président, messieurs les vice-présidents, mesdames, messieurs les membres du Comité permanent sur la santé.

Je m’appelle Gary Lacasse. Je suis le directeur général de la Société canadienne du sida. Je vous remercie d’avoir invité la Société à la séance d’ouverture pour venir témoigner sur les restrictions en ce qui concerne les dons de sang imposées actuellement aux hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme, ou HARSAH comme nous les appelons dans le jargon de la santé.

La Société canadienne du sida est une coalition nationale regroupant des organismes communautaires qui s’efforcent de renforcer la lutte contre le VIH-sida au Canada. Pour ce faire, ces organismes collaborent de façon continue avec des partenaires dans la collectivité et des intervenants canadiens en vue de surveiller et d’assurer la sûreté des réserves de sang au Canada, en particulier depuis la parution en 1997 du rapport du juge Krever de la Commission d’enquête sur l’approvisionnement en sang au Canada.

Au fil des ans, la Société canadienne du sida a travaillé en étroite collaboration avec la Société canadienne du sang et d’autres partenaires pour modifier en juillet 2013 la politique de non-admissibilité aux dons de sang visant les hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme et faire passer la période d’indéfinie à cinq ans après le dernier rapport sexuel. À ce moment-là, nous percevions ce changement comme une avancée positive vers une politique de non-admissibilité qui serait basée sur des critères non discriminatoires, sur les comportements et sur les facteurs de risque plutôt que sur l’orientation sexuelle.

Depuis, la Société canadienne du sida a continué de collaborer et de consulter la Société canadienne du sang en vue d’examiner les données probantes et scientifiques recueillies depuis plusieurs années. Nous appuyons l’annonce qu’a faite la ministre Philpott en juin 2016 concernant la période de non-admissibilité d’un an. Nous considérons qu’il s’agit d’un pas dans la bonne direction et qu’ultimement nous pourrons lever les restrictions imposées aux HARSAH pour les dons de sang.

La Société canadienne du sida a adopté il y a longtemps une position simple et directe dans ce dossier. Nous estimons que les critères d’admissibilité au don de sang devraient être fondés sur les comportements plutôt que cibler des populations en raison de seulement leur orientation sexuelle ou de leur sexe.

Essentiellement, la Société canadienne du sida continue de prôner un maintien de réserves de sang sûres, mais dans le respect des droits de la personne. Force est de constater que les directives concernant l’admissibilité ont été et demeurent discriminatoires tant pour les hommes que pour les femmes. Les questions posées aux donneurs sur les formulaires de la Société canadienne du sang cernent des groupes de la population et, en particulier, les hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme, peu importe leurs comportements ou pratiques actuels.

Sur le questionnaire, les hommes doivent répondre à la question: « au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu une relation sexuelle avec un autre homme? » Sur le questionnaire, les femmes doivent répondre à la question: « au cours des 12 derniers mois, avez-vous eu une relation sexuelle avec un homme qui a eu une relation sexuelle avec un autre homme au cours des 12 derniers mois? » Si une personne répond oui à l’une de ces questions, elle n’est pas admissible au don de sang.

De la même façon, les critères d’admissibilité s’appliquent également aux personnes transgenres selon qu’elles ont ou non subi une intervention chirurgicale de confirmation du genre, et ce, sans égard aux comportements à risque.

Bien qu’elle ne soit fondée sur aucune expérience clinique, la période de non-admissibilité actuelle part de l’hypothèse que certains groupes sont plus susceptibles de contaminer les réserves de sang. La Société canadienne du sida continue de recommander que des recherches scientifiques comportementales soient menées en vue de l’adoption de critères d’admissibilité non discriminatoires fondés sur les comportements à risque. La recherche comportementale permettra de recueillir des données permettant de distinguer les donneurs à faible risque et ceux à risque élevé en fonction de leurs comportements sexuels et sans égard à leur orientation sexuelle ou à leur identité sexuelle.

À cette fin, nous voyons d’un bon oeil l’annonce faite récemment par la Société canadienne du sang concernant la tenue d’une réunion de deux jours en janvier 2017. Cette réunion à laquelle seront conviés des intervenants nationaux et étrangers servira à déterminer les recherches prioritaires qui permettront de recueillir les données manquantes sur l’admissibilité des hommes ayant eu une relation sexuelle avec un autre homme. L’objectif de cette réunion consiste à examiner d’autres approches permettant de déterminer l’admissibilité des donneurs de sang et d’autres technologies permettant de recueillir des données et de modifier les critères d’admissibilité actuels.

Il n’existe actuellement aucun consensus à l’échelle internationale quant à la non-admissibilité des HARSAH. Nombre de pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Suède et les Pays-Bas, ont adopté ou adopteront une période de non-admissibilité d’un an. D’autres, comme l’Italie ou l’Espagne, n’imposent aucune période de non-admissibilité aux HARSAH et préfèrent évaluer le risque du donneur en ciblant des comportements précis.

En somme, je tiens à insister sur le fait que la stigmatisation et la discrimination sont encore des préoccupations et des obstacles majeurs dans le cadre de notre lutte visant à réduire et éradiquer la transmission du VIH au pays. Même si la période de non-admissibilité a été réduite à un an après la dernière relation sexuelle, cette restriction s’appliquant aux donneurs HARSAH continue d’entretenir une culture de discrimination et de stigmatisation qui nous empêche d’atteindre notre objectif.

Au fil des ans, la Société canadienne du sida a toujours prôné une approche fondée sur des données scientifiques et a travaillé en étroite collaboration avec la Société canadienne du sang et divers intervenants afin de créer un système de collecte et de distribution du sang qui soit sûr et non discriminatoire envers certains groupes. Même si nous avons encore du chemin à parcourir, nous avons certainement fait des pas dans la bonne direction au cours des dernières années. Nous sommes passés d’une interdiction complète des dons provenant de HARSAH à une période de non-admissibilité de cinq ans en 2013 puis à une période de non-admissibilité d’un an en août dernier.

Nous attendons avec impatience l’adoption dans un futur rapproché d’approches scientifiques et fondées sur les comportements pour la détermination de l’admissibilité des donneurs qui permettront une utilisation optimale des nouvelles technologies. Nous souhaitons ainsi changer les critères d’admissibilité des donneurs afin que les réserves de sang soient sûres et qu’elles respectent les droits de la personne. Ce qui est un objectif réaliste et atteignable.

Je vous remercie encore une fois de nous donner la chance d’exprimer notre point de vue dans ce dossier important.

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