Hausse des taux de VIH pour une quatrième année consécutive au Canada

L’ASPC signale une augmentation de 25,3 % du taux de diagnostics positifs depuis 2014. Le Canada est loin derrière le reste du G7, dans l’élimination des nouvelles infections par le VIH

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OTTAWA, le 18 février 2020 – En décembre 2019, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a publié « Le VIH au Canada — Rapport de surveillance, 2018 », qui révèle un bond de 25,3 % du nombre de nouveaux cas de VIH au Canada depuis quatre ans : de 2 040 cas en 2014, à 2 561 en 2018.  Dans cet intervalle sont survenues les coupes financières imposées par l’ASPC aux organismes de réponse au VIH au Canada qui recevaient des octrois du Fonds d’initiatives communautaires (FIC) en matière de VIH et d’hépatite C. Des organismes jusqu’alors soutenus par le FIC, 40 % ont perdu leur financement parce qu’ils ne se concentraient pas sur les nouvelles priorités du gouvernement pour les programmes centrés sur la prévention. Ces coupes ont eu des effets dévastateurs sur les stratégies à long terme de ces organismes, quant à la prestation de services de prévention secondaire par le renforcement des capacités de soins et de soutien pour les personnes les plus vulnérables. Après l’annonce des coupes financières, en 2016, la Société canadienne du sida (SCS) a prévenu la ministre de la Santé qu’il allait en résulter des augmentations des taux d’infection, à l’échelle du pays – et malheureusement, cette prédiction s’est concrétisée.

Plus de 68 000 personnes vivent actuellement avec le VIH au Canada et 14 % d’entre elles ne sont pas au courant de leur infection. Le Gouvernement du Canada a affirmé qu’il appuie les objectifs mondiaux de l’ONUSIDA, y compris les cibles 90-90-90 (c.-à-d. que 90 % du nombre total de personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut VIH; que 90 % des personnes diagnostiquées reçoivent un traitement antirétroviral; et que 90 % de celles-ci atteignent la suppression virale) d’ici 2020, de même que l’élimination du VIH en tant que menace à la santé publique d’ici 2030. Or le Canada n’atteint pas les cibles 90-90-90 et accusera un retard dans l’atteinte de l’objectif de 2030. Nous devons également nous attaquer aux limites des données de surveillance de l’ASPC, qui échoue à recenser adéquatement des renseignements sur la catégorie d’exposition et la race (qui n’étaient consignées respectivement que dans 60 % et 47 % des nouveaux cas, dans le Rapport de surveillance 2018), de même qu’à la disparité entre les données de surveillance et les données estimatives. Il est inconcevable qu’en 2020 on ne dispose pas de données validées sur l’incidence et la prévalence du VIH.

Le Comité permanent de la santé a recommandé que le financement réservé à la réponse au VIH au Canada soit augmenté à 100 millions $ par an. Cette recommandation formulée en 2003 a été réitérée en 2019, mais l’augmentation se fait encore attendre. Le financement actuel de la réponse au VIH est également utilisé pour répondre à toutes les infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) ainsi qu’à la crise des surdoses d’opioïdes. Cette stratégie d’étalement limite la valeur totale des fonds nets consacrés à la réponse au VIH au Canada; or il n’existe pas de remède pour guérir l’infection à VIH et celle-ci devrait constituer une priorité des efforts de prévention des nouvelles infections. La stratégie actuelle du FIC ne s’accompagne tout simplement pas de suffisamment de financement pour couvrir tous les enjeux qu’elle vise à englober – et la SCS est d’avis que ceci est une cause directe de la hausse des taux qui s’observe actuellement au Canada.

La réalité des récentes années démontre que sans un financement adéquat, nous perdrons les avancées réalisées et nous échouerons à atteindre les objectifs de santé publique auxquels le Canada s’est engagé. Les organismes communautaires de réponse au VIH ont un rôle qui influence directement la diminution du nombre d’infections par le VIH au pays; et s’ils recevaient un financement soutenu, ils auraient la capacité de fournir des services de prévention primaire, de prévention secondaire (soins et traitements), de dépistage ainsi que d’éducation du public à propos des réalités du VIH. Nous sommes persuadés qu’il n’y aura pas de baisse majeure des taux de VIH si l’on ne finance pas des modèles de prévention secondaire à l’intention des personnes vivant avec le VIH. Chaque nouvelle infection par le VIH correspond à des coûts directs et indirects de 1,3 million $ pour la durée de vie d’un individu. Si les taux de VIH avaient continué de baisser comme ils le faisaient avant les modifications au financement, on estime que 1 909 infections par le VIH auraient été évitées – représentant des économies de 2,5 milliards $. L’ASPC, en versant un financement adéquat aux organismes de services en matière de VIH, ne ferait pas que répondre à une priorité clé de santé publique : elle générerait également d’importantes économies futures pour le système de soins de santé.

Le Canada est doté d’un système de soins de santé qui est considéré comme exemplaire sur la scène mondiale; cependant, ce système échoue encore à collecter des données validées et il a aboli le financement de programmes éclairés par des données probantes. Ce faisant, il a renversé l’élan positif qu’avait la réponse au VIH au Canada. Les déclarations publiques d’appui sont bien appréciées, mais les organismes communautaires du domaine du VIH au Canada doivent recevoir le financement qu’il faut pour fournir les services nécessaires afin de soutenir les personnes vivant avec le VIH et de prévenir de nouvelles infections. Nous demandons par conséquent au Gouvernement du Canada de respecter la recommandation du Comité permanent de la santé et d’augmenter à 100 millions $ par année le financement spécifique des efforts de réponse au VIH. En l’absence de ce changement bien concret, nous devons nous demander si les politiciens et politiciennes du Canada ne se contentent pas de faire de beaux discours sur le mouvement de lutte contre le VIH/sida au Canada.  Mais la complaisance n’est pas une option – et le défaut de soutenir adéquatement les personnes vivant avec le VIH/sida au Canada est un échec politique pour le gouvernement Trudeau.

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Contact pour les médias :

Gary Lacasse
Directeur général, la Société canadienne du sida
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gary.lacasse@cdnaids.ca

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