Les effets néfastes de la répartition des fonds du fédéral sur les organismes communautaires VIH et VHC: L’Ally Centre of Cape Breton

À l’automne dernier, des dizaines d’organismes de lutte contre le VIH / hépatite C ont reçu une réponse négative à leurs projets de l’Agence de santé publique du Canada (ASPC) dans le cadre du Fonds d’initiatives communautaires en matière de VIH/sida et d’hépatite C — ayant comme effet de les définancer.

Cette décision unilatérale choquante de l’ASPC touche jusqu’à 30% des organismes communautaires de lutte contre le VIH et devait être en vigueur au 31 mars de cette année. La SCS a réagi immédiatement à la décision et grâce à un effort conjoint immédiat et vigoureux avec nos membres et nos partenaires nationaux, nous avons réussi à nous assurer que le financement de transition soit prolongé jusqu’au 31 mars 2018.

Cependant, la dure réalité demeure qu’à la fin de cette période de transition, de nombreuses organisations seront contraintes de fermer leurs portes ou de changer leurs services de manière très significative. Ces changements auront un impact quotidien sur l’état de santé de milliers de Canadiens parce que ces organismes mettent la prévention et les déterminants sociaux de la santé au cœur même de leur travail.

Notre intention est de rétablir un financement stable à long terme pour toutes les organisations communautaires en vue d’accroître l’initiative fédérale pour le VIH / sida et d’augmenter proportionnellement le Fonds d’initiatives communautaires en matière de VIH/sida et d’hépatite C.

À cette fin, l’une des mesures que nous prenons consiste à partager les histoires de plusieurs organisations —histoires de résilience dans notre heure la plus sombre — parce que leurs histoires reflètent l’essentiel de notre mouvement.

Ally Centre of Cape Breton (anciennement l’AIDS Coalition of Cape Breton)

Après 24 années de financement par le Programme d’action communautaire sur le sida (PACS), l’Ally Centre of Cape Breton n’a pas vu sa lettre d’intention (LI) recommandée pour examen ultérieur dans le cadre du nouveau Fonds d’initiatives communautaires en matière de VIH/sida et d’hépatite C.

Au cours de ces 24 années de service, le financement fédéral nous a permis de passer d’un simple centre de ressources offrant de l’information et du soutien aux personnes vivant avec le VIH et à leurs familles, et de devenir le principal fournisseur de références sur tous les enjeux liés aux ITSS au Cap-Breton, y compris la réduction des méfaits, le dépistage, le soutien, l’éducation et le plaidoyer. Devenu un havre pour les plus vulnérables, le Centre est vital au maintien de la santé et de la sécurité sur notre île.

L’Ally Centre répond aux causes sous-jacentes des ITSS par son travail de plaidoyer touchant la pauvreté, la stigmatisation et la discrimination. Nous avons célébré de nombreuses premières, au Cap-Breton, en mobilisant la communauté pour répondre aux enjeux liés aux ITSS. Nous avons été :

  • les premiers à offrir un lieu sûr aux personnes LGBTQ;
  • les premiers à répondre au besoin de prévention des pathogènes transmissibles par le sang et à offrir des services de dépistage anonyme;
  • les premiers à demander et à implanter un service d’échange de seringues pour les personnes qui s’injectent des drogues;
  • les premiers à offrir une éducation sur l’échange de seringues et sur la réduction des méfaits dans nos cinq communautés des Premières Nations;
  • les premiers à militer pour l’établissement de programmes d’entretien à la méthadone et de rétablissement de la dépendance aux opioïdes, et à travailler en ce sens;
  • les premiers à militer pour la naloxone et la prévention des surdoses et à mettre en œuvre ces services;
  • les premiers à héberger une clinique de soins de santé primaires spécifique aux populations vulnérables; et,
  • les premiers à développer des programmes pour les personnes qui font le commerce du sexe.

Nous hébergeons le seul groupe de soutien transgenre à Cap-Breton, qui compte 80 membres.  Nous avons développé et soutenu des Alliances gai-hétéro (AGH) dans toutes les écoles secondaires de l’île.

Autrement dit, le financement fédéral que nous avons reçu au cours des 24 dernières années a été judicieusement investi dans le développement de projets et de programmes pour les personnes vivant avec des ITSS et vulnérables à celles-ci. À un point tel que dans le cadre de l’évaluation nationale de l’ASPC sur ses programmes du PACS, l’Ally Centre a reçu des éloges pour son travail, notamment au chapitre de l’implication et de l’inclusion significatives des populations desservies.

L’Ally Centre of Cape Breton a d’abord reçu des fonds du PACS sous forme de financement opérationnel.  Environ dix ans plus tard, le modèle est passé à un financement de projet. Ce changement ne nous a pas affecté; nous avons toujours maintenu notre financement, jusqu’au récent processus de lettres d’intention du Fonds d’initiatives communautaires.

Sans ce financement, nos projets deviendront orphelins; ils ne peuvent subsister seuls. Personne sur cette île de 10 311 kilomètres carrés, qui est principalement rurale, n’égale le travail de première ligne de l’Ally Centre. Les personnes vivant avec le VIH/sida ou l’hépatite C ne recevront plus de soutien, au Cap-Breton. Notre service d’échange de seringues, qui distribue plus de seringues par habitant qu’en Nouvelle-Écosse continentale, fermera ses portes. Il n’y aura plus de soutien, de prévention ou d’éducation pour les personnes qui s’injectent des drogues dans notre collectivité et dans nos cinq communautés des Premières Nations.

Sans financement, notre programme de dépistage cessera ses activités, tout comme notre clinique de soins de santé primaires pour les populations vulnérables. Notre groupe de soutien trans sera démantelé. Les travailleuses et travailleurs du sexe seront délaissés, sans soutien. Notre banque alimentaire fermera ses portes. Nos programmes de soutien entre pairs n’existeront plus. Notre programme de naloxone disparaîtra, même si le Cap-Breton a le taux le plus élevé de surdose par habitant de la Nouvelle-Écosse.

C’est au Cap-Breton que le taux d’hépatite C par habitant est le plus élevé dans la province. La consommation d’opioïdes y est épidémique. Sans l’Ally Centre, ces taux augmenteront très certainement et les conséquences seront désastreuses pour notre île, qui est déjà très malade.

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